Par Élodie Messéant

Le paysage médiatique français a été récemment secoué par une décision controversée du Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative en France. Cette décision demande à l’Arcom, le régulateur des médias, de renforcer son contrôle sur la chaîne d’information CNews. Cette directive soulève des préoccupations majeures quant à la liberté d’expression en France et met en lumière les risques d’arbitraire dans le domaine médiatique.

CNews, une chaîne de télévision politiquement classée à droite, a souvent été au centre de débats houleux. Cependant, la décision du Conseil d’État d’intensifier le contrôle de cette chaîne par l’Arcom semble aller au-delà de la simple régulation et pourrait avoir des implications sérieuses pour la diversité des opinions dans le paysage médiatique français. 

La liberté d’expression est un pilier fondamental de toute démocratie. Elle garantit le droit des citoyens à exprimer leurs opinions, même les plus controversées, sans craindre de représailles ou de censure de la part de l’État. Les médias sont censés avoir un rôle crucial dans la tenue des gouvernements et des institutions responsables. En tant que quatrième pouvoir, ils doivent surveiller les abus de pouvoir et apporter un point de vue différent de celui des institutions gouvernementales. C’est lorsque des juridictions restreignent arbitrairement cette liberté ou que des députés, comme Sophie Taillé-Polian, demandent le retrait du canal TNT d’une chaîne d’information que l’on ne peut que s’inquiéter de la santé d’une démocratie.

La décision du Conseil d’État s’inscrit dans une tendance inquiétante de recul de la liberté d’expression en France. Au fil des années, nous avons observé une multiplication des mesures visant à restreindre le discours considéré comme « controversé » ou « offensant ». Ces mesures sont souvent justifiées au nom de la lutte contre la désinformation ou la haine, mais elles ne font que créer un climat où seules les opinions conformes à la norme établie par les autorités sont tolérées.

L’arbitraire de la décision du Conseil d’État est d’autant plus préoccupant que cela ouvre la porte à une régulation sélective et partisane des médias. Pourquoi renforcer spécifiquement le contrôle sur CNews et pas une autre chaîne d’information comme France Inter par exemple ? Ce dernier peut être difficilement perçu comme un modèle de pluralisme. Les intervenants et animateurs de la station sont souvent affiliés à des médias et des courants politiques précis : Nicolas Demorand et Thomas Legrand de Libération, Pierre Haski de Rue89, Léa Salamé, ancienne d’i-télé et compagne de Raphaël Glucksmann, des humoristes dont les opinions sont souvent alignées avec celles de La France Insoumise, Salomé Saqué de Blast, Marc Fauvelle, ancien d’i-télé, et Claude Askolovitch, affilié au Parti Socialiste. 

La réaction du journaliste Thomas Legrand sur la décision du Conseil d’Etat se suffit à elle-même : le problème des médias comme CNews, c’est leur conception de la « vérité journalistiquement établie ». Faut-il croire qu’il y aurait une vérité et une vérité journalistique ? Pour M. Legrand, ceux qui travaillent à CNews ne sont pas des journalistes : ce sont des personnes « qui n’ont pas la même notion de la vérité établie ». Nous pouvons préciser qu’ils n’ont pas la même notion de la vérité établie dans le microcosme journalistique et touchent un public différent des médias mainstream comme France Inter. Faut-il pour autant renforcer le contrôle sur une chaîne d’information qui ne représente que 2,3 % des parts d’audience en 2023 ?

Cibler spécifiquement une chaîne d’information qui se positionne à droite du spectre politique revient à créer un dangereux précédent où la régulation des médias est utilisée comme un outil pour réprimer les voix dissidentes. Quid de la faisabilité d’une telle mesure de contrôle ? L’idée de quantifier le temps de parole et de l’utiliser comme un indicateur peut sembler simple en théorie, mais elle néglige les nuances et les complexités du paysage médiatique moderne. Une approche quantitative risque de réduire le débat public à une simple question de mathématiques, en oubliant la qualité et la pertinence du discours. Elle pourrait conduire les médias à inviter des intervenants uniquement pour remplir des quotas, plutôt que pour leur expertise ou leur contribution réelle au débat d’idées. 

Le pluralisme ne peut s’épanouir que dans un environnement où la libre expression est préservée. Restreindre la liberté d’expression sous prétexte de veiller au respect du pluralisme, comme le fait le Conseil d’Etat, c’est tuer le pluralisme. Et ceux qui s’en réjouissent finiront tôt ou tard par en subir les conséquences.