Par Élodie Messéant

Pour les médecins généralistes, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Lassés par un système en déperdition, ils sont désormais contraints d’augmenter le prix de la consultation à 30 euros (plutôt que 25 euros imposés par l’Assurance maladie depuis 2017), voire 45 euros pour faire survivre leurs cabinets. C’est le cas notamment de Noémie, généraliste de secteur 1 depuis vingt-deux ans, qui affirme ne recevoir que 7,70 euros par patient avant impôt “une fois les charges payées”. Comme elle, nombreux sont les praticiens qui ne craignent plus les menaces de sanctions de l’Assurance-maladie, allant de l’avertissement à l’absence de prise en charge des cotisations sociales, voire au déconventionnement pur et simple.

Le système hypercentralisé et monopolistique de la Sécurité sociale les poussent à la fronde. On se rappellera de la grève des médecins, en février dernier, du fait de l’augmentation de la consultation médicale de seulement 1,50 € par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), ainsi que de la proposition de loi Rist, censée améliorer l’accès aux soins. Du fait de la centralisation à outrance du système actuel, du monopole de la Sécurité sociale et des tarifs uniques de l’Assurance maladie, les praticiens n’ont aucune latitude pour différencier librement leurs tarifs selon les actes médicaux. En France, la facturation de l’acte médical fait partie des plus basses d’Europe, soit 25 euros contre une moyenne de 46 € dans les pays de l’OCDE. Au Royaume-Uni par exemple, la consultation chez un généraliste varie entre 60 et 315 € ; elle est de 75 euros en Allemagne, 69 euros en Espagne, et entre 65 et 78 € en Italie et aux Pays-Bas.

Certes, les généralistes français gagnent en moyenne 3 fois plus que le salaire moyen en 2019 contre 4,4 en Allemagne, 3,3 fois au Royaume-Uni, et 2,5 fois en Belgique. Cependant, ces données méritent d’être remises en perspective dès lors que le salaire moyen en France (40 000 € bruts) se trouve loin derrière celui des pays de l’OCDE au plus haut du classement en 2021 tels que la Suisse, les Pays-Bas ou l’Allemagne. Indépendamment des comparaisons sur le salaire moyen, les médecins français restent étouffés par la bureaucratie et le système communiste de la Sécurité sociale qui les empêchent de facturer comme ils le souhaitent. Un rapport du Sénat avait d’ailleurs relevé que 80 % des médecins estiment que la répartition entre temps médical et temps administratif s’est détériorée depuis 2016. Ce phénomène contribue à miner l’attractivité de la profession déjà sujette une pénurie de médecins, obligeant le gouvernement à faire appel à des médecins étrangers pour exercer sur le sol français : le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) comptait 22 568 médecins à diplôme étranger en activité régulière en 2014 : le double d’il y a dix ans.

Un début de réforme ne consisterait pas seulement à remettre en cause la rigidité bureaucratique de notre système de santé, mais à opter pour la libéralisation de la médecine générale et la mise en concurrence de la Sécurité sociale. Il serait alors possible, pour les professionnels de la santé, de se regrouper en fonction de leur localisation, de leur expérience, de leur domaine de spécialisation, et de négocier auprès de diverses compagnies d’assurance. Leurs tarifs seraient librement fixés, laissant aux patients le choix de souscrire auprès de la mutuelle proposant les offres les plus adaptées à leurs besoins.

La libéralisation permettrait ainsi d’accroître l’attractivité de la profession, en particulier auprès des jeunes, et de résoudre en partie le problème des déserts médicaux et de la sur-administration qui pèse sur la Sécurité Sociale. L’expérience nous le prouve : la préservation de notre système de santé ne découle pas de la mise en place de politiques dirigistes, mais au contraire d’un plus grand gain de liberté.